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APPENDICE.

et mon frère, le feu prince Arthur. Ces paroles firent effet sur ma scrupuleuse conscience et engendrèrent dans mon cœur un doute qui piqua, vexa et troubla mon esprit, et m’inquiéta tellement que je craignis d’avoir encouru l’indignation de Dieu ; et ces craintes me semblaient d’autant plus fondées qu’il ne m’a envoyé aucune postérité mâle ; car tous les enfants mâles que j’ai eus de la reine sont morts aussitôt après leur naissance ; et c’est pourquoi je crains fort d’être en cela puni de Dieu. Ainsi, étant agité dans les vagues d’une conscience scrupuleuse, et désespérant en outre d’avoir de la reine aucune postérité mâle, j’ai été amené enfin à prendre en considération l’état du royaume et les dangers qui le menaçaient faute d’enfant mâle pour me succéder dans la dignité impériale. Conséquemment, autant pour soulager ma conscience scrupuleuse d’un poids pénible que pour assurer le repos de ce noble royaume, j’ai trouvé bon de m’adresser aux lois pour savoir si je pourrais prendre une autre épouse, au cas où ma première copulation avec cette gentille femme ne serait pas légitime ; et certes cette idée ne m’est suggérée par aucune concupiscence charnelle, ni par aucune animosité, ni par aucune aversion contre la personne de la reine, avec qui je suis prêt à continuer ma vie aussi volontiers qu’avec aucune femme vivante, si notre mariage n’est pas contraire aux lois de Dieu. Tous nos doutes sur ce point, nous allons maintenant les soumettre à la docte sagesse et au jugement de vous tous, prélats et pasteurs de ce royaume, rassemblés ici tout exprès ; et je laisse à votre conscience la responsabilité du jugement auquel nous sommes prêt à obéir, Dieu le voulant. Dès que je sentis ma conscience blessée par ce cas douteux, je m’en ouvris en confession à vous, milord de Lincoln, mon père spirituel. Et c’est alors qu’hésitant vous-même à me donner conseil, vous m’engageâtes à consulter tous ces lords. Sur