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HENRY VI.

rescousse, — et tous mes partisans tournent le dos — à l’ennemi acharné, et fuient, comme des vaisseaux devant le vent, — ou comme des agneaux poursuivis par des loups affamés. — Mes fils… Dieu sait ce qu’ils sont devenus ; — mais ce que je sais, c’est que, vivants ou morts, — ils se sont comportés en hommes nés pour la gloire. — Trois fois Richard s’est frayé passage jusqu’à moi, — et trois fois il s’est écrié : Courage, père ! tenez jusqu’au bout ! — Trois fois Édouard est venu à mon côté, — avec une épée pourpre, teinte jusqu’à la garde — du sang de ceux qui l’avaient affrontée ; — et quand les plus hardis guerriers se retiraient, — Richard criait : À la charge ! ne cédez pas un pouce de terrain ! — Et il criait encore : Une couronne ou un glorieux tombeau ! — Un sceptre ou une fosse en terre ! — Sur ce, nous avons chargé encore une fois, mais une fois encore, hélas ! — nous avons échoué ; ainsi j’ai vu un cygne — s’évertuer vainement à nager contre le courant, — et user ses forces contre les flots irrésistibles.

Courte fanfare d’alarme.

— Ah ! écoutons ! le persécuteur fatal nous poursuit ; — et je suis trop défaillant pour pouvoir fuir sa furie ; — d’ailleurs, eussé-je toutes mes forces, je ne l’éviterais pas. — Les grains de sable qui mesurent ma vie sont comptés. — Ici je dois demeurer, et ici ma vie doit finir.

Entrent la reine Marguerite, Clifford, Northumberland et des soldats.

— Venez, sanguinaire Clifford, farouche Northumberland ; — je défie votre inépuisable fureur à un surcroît de frénésie ; — je suis votre cible, et j’attends vos coups.

northumberland.

— Rends-toi à notre merci, fier Plantagenet.

clifford.

— Oui, à cette même merci que son bras implacable —