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INTRODUCTION.

sés. L’un (Marlowe), je ne me soucie pas de le connaître ; l’autre (Shakespeare), je ne l’ai pas ménagé au moment de la publication, comme j’ai désiré depuis l’avoir fait. Comme il m’est arrivé souvent de modérer la chaleur des écrivains vivants, j’aurais pu user de ma propre discrétion, spécialement dans le cas présent, puisque l’auteur du livre est mort. Je ne l’ai pas fait ; j’en suis fâché comme si la faute première était ma faute. Car, je l’ai vu par moi-même, celui dont il s’agit est non moins civil en ses procédés qu’excellent dans l’état qu’il professe. En outre, plusieurs personnes respectables ont témoigné de la loyauté de sa conduite qui prouve son honnêteté, et de la grâce aimable qui embellit son talent d’écrivain. Quant au premier, je respecte son savoir ; aussi, quand j’ai lu le livre de Greene, j’en ai retranché tout ce qu’en conscience j’ai cru écrit par esprit de rancune ou du moins tout ce qui, même vrai, était impossible à publier ; et je ne voudrais pas le traiter maintenant plus sévèrement qu’il ne le mérite. Je n’ai travaillé à ce livre que comme copiste. Le manuscrit était peu lisible, l’écriture de Greene n’étant pas toujours des meilleures. Je l’ai recopié, en suivant l’original autant que possible. Je me suis borné à retrancher quelques mots de l’épître préliminaire ; mais je n’ai rien ajouté au livre. Je proteste qu’il est tout entier de Greene, et non de moi, ni de maître Nashe, comme on l’a affirmé à tort[1]. »

On le voit, si l’éditeur refuse satisfaction à Marlowe, en revanche, il fait à Shakespeare réparation complète. Rien de plus net que cette apologie. C’est avec une sorte de remords que Chettle s’excuse d’avoir publié une attaque contre l’auteur d’Hamlet. Les renseignements pris par lui ont entièrement justifié Shakespeare à ses yeux.

  1. Chettle’s kind-hart dream.