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SCÈNE VIII.

la duchesse.

— Ah ! Glocester, apprends-moi à m’oublier moi-même. — Car, quand je pense que je suis ta femme légitime — et que tu es prince, protecteur de ce royaume, — il me semble que je ne devrais pas être ainsi promenée, — affublée d’opprobre, avec un écriteau au dos, — et suivie d’une canaille qui se réjouit — de voir mes larmes et d’entendre mes profonds sanglots. — L’implacable caillou coupe mes tendres pieds ; — et, quand je trébuche, le peuple envieux ricane — et me dit de prendre garde où je marche. — Ah ! Homphroy, puis-je porter ce joug d’ignominie ? — Crois-tu que jamais je puisse revoir le monde, — ou trouver le bonheur à jouir du soleil ? — Non, l’ombre sera désormais ma lumière, et la nuit mon jour ! — Mon enfer, ce sera de songer à ma grandeur. — Parfois je me dirai que je suis la femme du duc Homphroy, — et lui, prince et maître du pays ; — mais que, tout maître et tout prince qu’il était, — il est resté impassible tandis que moi, sa duchesse sacrifiée, — j’étais l’étonnement et le point de mire — du premier faquin, du premier gueux venu ! — Mais reste calme, ne rougis pas de ma honte, — et ne t’inquiète de rien, que la hache de la mort — ne soit levée sur toi, comme à coup sûr elle le sera bientôt. — Car Suffolk, qui peut tout faire, tout, — de celle qui te hait et nous hait tous, — et York, et l’impie Beaufort, ce faux prêtre, — ont englué un buisson pour t’attraper par les ailes ! — et tu auras beau vouloir t’envoler, ils te prendront ! — Mais ne t’alarme pas que tu ne sois tombé dans le piége, — et ne cherche pas à prévenir tes ennemi.

glocester.

— Ah ! Nell, tais-toi ; tu raisonnes tout de travers. — Il faut que je sois coupable pour être condamné ; — quand j’aurais vingt fois plus d’ennemis, — et quand chacun d’eux aurait vingt fois plus de pouvoir, — tous se-