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deux ouvrages[1], qui devaient devenir dans l’in-folio de 1623 la seconde et la troisième partie de Henry VI. appartenaient de droit à la troupe du lord chambellan, pour laquelle Shakespeare les avait revisés. Il était donc tout simple que cette troupe, ayant déjà dans son répertoire l’exposé scénique des convulsions intérieures de l’Angleterre sous le règne de Henry VI, voulût y ajouter le récit tragique de ses tribulations extérieures. L’émouvant tableau de la guerre nationale où succomba le grand Talbot, était le complément historique des deux ouvrages qu’elle possédait déjà sur la guerre civile des deux Roses. Elle devait d’ailleurs être tentée de reprendre à son profit le drame même qui avait attiré tant de monde au théâtre de La Rose. Acquérir la propriété de ce drame n’était pas chose difficile à une époque où les auteurs vendaient et revendaient leur travail au rabais. La compagnie du lord chambellan obtint donc la pièce historique de Henry VI, et chargea Shakespeare d’y faire des raccords. Rien n’était plus fréquent à cette époque que de voir une œuvre, composée par tel auteur, revisée par tel autre. Les livres de compte du chef de troupe Henslowe ont maintes mentions de ce genre : « Le 7 août 1602, 40 shillings payés à Thomas Dekker pour la révision de sir John Oldcastle ; ce 14 décembre 1602, 10 shillings au même Thomas Dekker pour ses peines dans Phaéton ; le 16 janvier 1601, 20 shillings encore à Thomas Dekker pour altérer le Tasse ; le 22 novembre 1602, 4 livres à William Birde et à Thomas Rowley pour leurs additions au docteur Faust de Marlowe ; le 20 septembre 1602, 20 shillings à Thomas Heywoode pour ses additions à Cutting Dick, etc., etc. » Justifié par un usage aussi constant, Shakespeare pouvait donc sans scrupule se charger de reviser, pour le compte de sa

  1. J’aurai occasion d’en reparler au prochain volume.