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— Regarde les plaies, les plaies monstrueuses — que tu as toi-même faites à son sein douloureux ! — Oh ! tourne ailleurs la pointe de ton glaive ; — frappe ceux qui la blessent, et ne blesse pas ceux qui la défendent ! — Une seule goutte de sang, tirée du sein de ta patrie, — devrait te faire plus de mal que des torrents de sang étranger. — Reviens donc, avec des flots de larmes, — laver les affreuses blessures de ta patrie !

bourgogne.

— Ou elle m’a ensorcelé par ses paroles, — ou c’est la nature qui soudain m’attendrit.

la pucelle.

— Et puis tous les Français et toute la France se récrient contre toi, — doutant de ta naissance et de ta légitimité. — À qui t’es-tu allié ? À une nation hautaine, — qui ne se fiera à toi que selon son intérêt. — Quand Talbot se sera une fois installé en France — et aura fait de toi un instrument de désastres, — quel autre que l’Anglais Henry sera maître ? — Et toi tu seras expulsé comme un fugitif ! — Rappelons-nous le passé et médite-le pour te convaincre : — le duc d’Orléans n’était-il pas ton ennemi ? — et n’était-il pas prisonnier en Angleterre ? — Eh bien, quand ils ont su qu’il était ton ennemi, — ils l’ont mis en liberté sans rançon, — en haine du Bourguignon et de tous ses amis. — Vois donc ! tu te bats contre tes compatriotes, — et tu te joins à ceux qui seront tes bouchers. — Allons, allons, reviens ; reviens, noble égaré ; — Charles et tous les autres vont te serrer dans leurs bras.

bourgogne.

— Je suis vaincu ; ces hautes paroles — m’ont battu en brèche comme de foudroyants coups de canon — et m’ont fait presque tomber à genoux. — Pardonnez-moi, patrie, et vous chers compatriotes ! — Et vous, seigneurs, recevez ce cordial et affectueux embrassement. — Mes forces et