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alençon.

— Il pourrait bien avoir d’autres fins que celles que nous croyons, nous autres pauvres humains ; — ces femmes sont de rusées tentatrices avec leur langue !


René et Alençon s’avancent.


rené.

— Monseigneur, où en êtes-vous ? Que décidez-vous ? — Abandonnerons-nous Orléans, oui ou non ?

la pucelle.

— Eh bien, non, vous dis-je, pusillanimes sans foi ! — Combattez jusqu’au dernier soupir, je serai votre égide.

charles.

— Ce qu’elle dit, je le confirme : nous combattrons à outrance.

la pucelle.

— Je suis prédestinée à être le fléau des Anglais. — Cette nuit je ferai sûrement lever le siége ; — comptez sur un été de la Saint-Martin, sur des jours alcyoniens, — du moment que je suis engagée dans cette guerre. — La gloire est comme un cercle dans l’eau, — qui va toujours s’élargissant, — jusqu’à ce qu’à force de s’étendre il s’évanouit dans le néant. — À la mort de Henry finit le cercle de la grandeur anglaise, — et toutes les gloires qu’il renfermait se sont évanouies. — Maintenant je suis comme la barque fière et insolente — qui jadis porta César et sa fortune.

charles.

— Mahomet était-il inspiré par une colombe ? — Toi, alors, tu es inspirée par un aigle. — Ni Hélène, la mère du grand Constantin, — ni les filles de saint Philippe ne te valaient. — Brillante étoile de Vénus, tombée sur la terre, — comment puis-je te révérer assez dévotement ?

alençon.

— Abrégeons les délais, et faisons lever le siége.