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CORIOLAN.

tous.

Assez de paroles ! À l’œuvre. En avant, en avant !

deuxième citoyen.

Un mot, dignes citoyens.

premier citoyen.

On nous appelle pauvres citoyens ; il n’y a de dignité que pour les patriciens. Le superflu de nos gouvernants suffirait à nous soulager. Si seulement ils nous cédaient des restes sains encore, nous pourrions nous figurer qu’ils nous secourent par humanité ; mais ils nous trouvent déjà trop coûteux. La maigreur qui nous afflige, effet de notre misère, est comme un inventaire détaillé de leur opulence ; notre détresse est profit pour eux. Vengeons-nous à coups de pique, avant de devenir des squelettes. Car, les dieux le savent, ce qui me fait parler, c’est la faim du pain et non la soif de la vengeance.

deuxième citoyen.

Prétendez-vous agir spécialement contre Caïus Marcius ?

plusieurs citoyens.

Contre lui d’abord : il est le limier du peuple.

deuxième citoyen.

Mais considérez-vous les services qu’il a rendus à son pays ?

premier citoyen.

Certainement, et c’est avec plaisir qu’on lui en tiendrait compte, s’il ne se payait pas lui-même en orgueil.

deuxième citoyen.

Allons, parlez sans malveillance.

premier citoyen.

Je vous dis que ce qu’il a fait d’illustre, il l’a fait dans ce but : les gens de conscience timorée ont beau dire volontiers qu’il a tout fait pour son pays, il a tout fait pour plaire à sa mère et pour servir son orgueil qui, certes, est à la hauteur de son mérite !