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EXTRAIT DE L'ARCADIE DE SYDNEY.

que lui, personne mieux que lui ne savait trouver l’endroit sensible où pouvaient germer chez autrui les inspirations de la bonté. Quoique nul ne ressentît moins la pitié, nul ne savait mieux exciter la pitié. Nul n’était plus impudent pour nier, quand les preuves n’étaient pas manifestes. Nul n’était plus prompt à avouer ses propres fautes en les aggravant même d’un air contrit, alors que les dénégations n’eussent servi qu’à les rendre plus noires. Ce fut à ce moyen qu’il eut recours : ayant obtenu un sauf-conduit pour s’aboucher avec le roi, son frère, il alla lui-même, la corde au cou et pieds nus, s’offrir à la merci de Léonatus. À quel point il simula la soumission, avec quelle astuce il amoindrit sa culpabilité en exagérant sa faute, avec quel artifice il peignit les tourments de sa propre conscience et les remords dont l’accablaient ses ambitieux désirs, avec quelle adresse, affectant de désirer la mort et d’être honteux de vivre, il mendia la vie en la repoussant, — je ne suis pas moi-même assez astucieux pour le dire. Aussi, quoiqu’à première vue Léonatus ne vît en lui que le meurtrier de son père, et quoique dans sa colère il esquissât déjà maints plans de vengeance, Plexirtus parvint bien vile à obtenir non-seulement pitié, mais pardon ; et, s’il ne fit pas excuser ses torts passés, il fit croire néanmoins à son amendement futur. Ce fut de cette façon que nos princes laissèrent les deux frères réconciliés.


FIN DE L APPENDICE.