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EXTRAIT DE LA CHRONIQUE BRETONNE.

de la cour l’insuffisance de leur traitement ; et, s’étant entendue avec son mari, elle donna des ordres pour que l’escorte de son père fût réduite à trente hommes et pour que le reste fût congédié. Le père, offensé de cette mesure, quitta Maglaunus et s’en alla chez Henninus, duc de Cornouailles, qui avait épousé sa fille Regau.

» Il trouva là un honorable accueil, mais, avant la fin de l’année, éclata une querelle entre les deux maisons. Regau, indignée, somma son père de renvoyer toute sa suite, hormis cinq familiers qui devaient suffire à le servir. Leir ne put supporter cette seconde affliction : il retourna chez sa fille aînée, dans l’espoir que le malheur de sa condition exciterait en elle quelque sentiment de piété filiale, et qu’il pourrait trouver asile chez elle avec tous ses gens.

» Mais celle-ci, n’oubliant pas son ressentiment, jura par les dieux qu’il ne résiderait chez elle qu’à la condition de renvoyer sa suite et de se contenter d’un seul serviteur, et elle lui exposa avec d’amers reproches combien son goût pour une vaine pompe convenait peu à son âge et à sa pauvreté. Ayant reconnu qu’il n’y avait aucun moyen de la persuader, il dut enfin se résigner à n’avoir qu’un seul serviteur et congédia le reste de ses gens. Mais à ce moment il se mit à réfléchir plus sérieusement à la grandeur qu’il avait perdue, à la misérable condition où il était désormais réduit, et à former le projet d’aller au delà de la mer rejoindre sa fille cadette. Pourtant il doutait de pouvoir exciter sa commisération, à cause de l’indigne traitement qu’il lui avait fait subir (ainsi qu’il a été relaté plus haut). Toutefois, ne pouvant supporter plus longtemps une telle humiliation, il s’embarqua pour la Gaule. Pendant la traversée, il remarqua qu’on ne lui donnait que la troisième place parmi les princes qui étaient avec lui dans le navire, sur quoi, avec des larmes et de profonds soupirs, il se répandit en lamentations :