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APPENDICE.

tes sœurs, puisque, bien que préférée par moi jusqu’ici, tu as répondu moins tendrement qu’elles à mon amour. » Et, sans plus de délai, après avoir consulté sa noblesse, il donna ses deux filles aînées aux ducs de Cornouailles et d’Albania[1], leur accordant immédiatement la moitié de l’île et leur promettant, après sa mort, l’héritage de toute la monarchie bretonne.

« Il arriva, sur ces entrefaites, qu’Aganippus, roi des Francs[2], ayant ouï parler de la beauté de Cordeilla, envoya immédiatement ses ambassadeurs au roi Leir pour la demander en mariage. Le père, qui toujours lui gardait rancune, répondit : « Qu’il consentait volontiers à donner sa fille, mais sans argent et sans territoire, vu qu’il avait déjà cédé son royaume avec tous ses trésors à ses filles aînées, Gonorilla et Régau. » Dès qu’Aganippus entendit cela, étant fort épris de la dame, il envoya de nouveau vers le roi Leir pour lui faire dire « qu’il avait assez d’argent et de territoire, puisqu’il possédait le tiers de la Gaule, et qu’il ne demandait rien que sa fille, afin d’en avoir des héritiers. » Enfin le mariage fut conclu ; Cordeilla fut envoyée en Gaule et mariée à Aganippus.

« Longtemps après, le vieux Leir étant devenu infirme, les deux ducs, à qui il avait accordé la Bretagne avec ses deux filles, fomentèrent une insurrection contre lui et le dépouillèrent de ses États et de toute l’autorité royale qu’il avait exercée jusqu’ici avec grande puissance et gloire. À la fin, par une mutuelle transaction, Maglaunus, duc d’Albania, un de ses gendres, s’engagea à le maintenir dans sa propre demeure avec une suite de soixante chevaliers. Après qu’il eut résidé deux ans chez son gendre, sa fille Gonorilla voulut restreindre le nombre de ses hommes, qui commençaient à reprocher aux ministres

  1. Albany, dans le Roi Lear.
  2. Le roi de France.