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CORIOLAN ET LE ROI LEAR.

leir, se relevant.

— Eh bien, je vais me lever pour satisfaire votre désir, — mais je me remettrai à genoux jusqu’à ce que vous daigniez me pardonner.

Il s’agenouille de nouveau.
cordella.

— Je vous pardonne ; le mot ne me convient guère, — mais je le prononce pour soulager vos genoux. — Vous m’avez donné la vie, vous êtes cause que je suis — ce que je suis ; sans vous, je n’aurais jamais été.

leir.

— Mais vous-même m’avez donné la vie, ainsi qu’à mon ami : — et sans vous, nos jours auraient eu une fin prématurée.

cordella.

— Vous m’avez élevée quand j’étais toute jeune — et incapable de subsister par moi-même.

leir.

— Je t’ai chassée, quand tu étais toute jeune — et incapable de subsister par toi-même.

cordella.

— Dieu, le monde et la nature disent que je vous fais injure — en souffrant que vous restiez si longtemps à genoux.

le roi.

— Laissez-moi interrompre cette tendre controverse dont le spectacle réjouit mon âme. — Levez-vous, mon bon père ; elle est votre fille dévouée, — et elle vous honore avec un dévouement aussi respectueux — que si vous étiez le monarque de l’univers.

Leir se lève.
cordella, s’agenouillant.

— Mais moi, je ne me lèverai pas — que je n’aie obtenu votre bénédiction et votre pardon — pour les fautes de toutes sortes que j’ai pu commettre — depuis ma naissance jusqu’à ce jour.

leir.

— Puisse la bénédiction que le Dieu d’Abraham donna — à la tribu de Juda descendre sur toi, — et multiplier tes jours en sorte que tu puisses voir — les enfants de tes enfants prospérer après toi ! — Quant à tes fautes qui n’existent pas, que je sache, — que Dieu là-haut te les remette, je te les pardonne ici-bas.

cordella, se levant.

— Maintenant mon cœur est à l’aise et bondit — de joie dans ma poitrine, à cet heureux événement. — Et maintenant, cher père, soyez