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CORIOLAN ET LE ROI LEAR.

centre de la scène, et sur lequel Lear était assis au commencement du drame. Le petit théâtre central était, quand il ne servait pas, caché par un rideau qu’on écartait en cas de besoin. Shakespeare, comme tous les auteurs dramatiques de son temps, a donc fréquemment deux scènes en même temps. Dans Henri VIII, les noblesse tiennent dans l’antichambre ; le rideau est tiré et nous sommes dans la chambre du roi. De même, quand Crammer attend dans l’antichambre, le rideau s’écarte et nous montre la salle du conseil. Cette combinaison avait cet avantage, que, grâce aux piliers qui séparaient le petit théâtre central de la scène propre, un double groupe pouvait être présenté, soit complètement, soit partiellement ; deux scènes à la fois pouvaient être jouées et être parfaitement comprises, lors même que le public ne voyait pas effectivement ce qui se passait dans le plus petit compartiment. — Ainsi Glocester est assis, probablement caché, et Cornouailles se tient à côté de lui, visible. Régane est sur l’avant-scène au-dessus, mais près de Cornouailles, et sur cette avant-scène sont également les serviteurs. Cornouailles arrache un œil à Glocester, mais nous ne le voyons pas absolument ; car quelques-uns des hommes qui tiennent le siége l’entourent, et le rideau n’est qu’à demi écarté (il se séparait en deux moitiés). L’expression employée par Cornouailles doit être prise au figuré, et ce n’est certainement pas en réalité qu’il écrase l’œil arraché. Durant le hideux dialogue de Cornouailles et de Régane, un des serviteurs court sur la scène supérieure et blesse Cornouailles. Régane, qui est au-dessous, saisit l’épée d’un autre vassal et frappe le serviteur par derrière, pendant qu’il lutte contre le duc. Les groupes sont tous en mouvement et deviennent moins distincts, et, tandis que l’attention est absorbée par la rixe sanglante, Glocester perd son second œil. Nous entendons les plaintes de Glocester, mais nous ne le voyons plus, il disparaît par la sortie de l’arrière-scène. Cornouailles et Régane reviennent sur le proscénium et se refirent par les côtés. Les serviteurs concluent la scène par quelques réflexions. Telle était, j’imagine, la conduite de l’action. »