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NOTES.

(61) L’édition in-folio termine ici la scène et supprime ainsi le beau monologue d’Edgar. — « Ce monologue, remarque Théobald, est absolument nécessaire : Edgar ne devant pas accompagner le roi à Douvres, selon le plan de la pièce, il serait absurde qu’un personnage de cette importance quittât la scène sans dire un mot, sans même nous donner à entendre ce qu’il va faire. »

(62) Les éditions originales ne contiennent aucune indication précise sur la manière dont Glocester est aveuglé. Les éditeurs modernes ont pris sur eux de combler cette lacune en intercalant dans le texte les détails que voici : Glocester est tenu renversé sur son fauteuil, tandis que Cornouailles lui arrache un œil et l’écrase sous son pied. Puis, plus loin : Cornouailles arrache l’autre œil de Glocester et l’écrase. J’ai dû rejeter ces interpolations apocryphes de ma traduction, qui reste ainsi le calque fidèle du texte primitif. Un traducteur n’a pas le droit de décider ce que son auteur a laissé dans le doute. Or, Shakespeare a omis, probablement à dessein, d’indiquer le mode adopté par le bourreau pour supplicier sa victime. Ce qui est certain, c’est que le vieillard perd la vue. Comment ? nous ne le savons pas. Le silence du texte sur ce point prouve évidemment que l’horrible exécution n’avait pas lieu sur la scène propre. Le spectateur ne devant pas la voir, l’auteur n’a pas eu à la décrire. Il est infiniment probable que quelque obstacle matériel, peut-être un décor, peut-être un simple rideau, peut-être une haie de comparses, dissimulait le supplice au public. Tieck conjecture que l’action était transportée momentanément dans l’arrière-scène, pratiquée au fond du théâtre[1]. Voici comment l’éminent critique allemand développe son hypothèse :

« Le siége auquel Glocester est attaché est le même qui était placé sur une plate-forme légèrement exhaussée, au

  1. Voir les détails que j’ai donnés sur la construction du théâtre anglais à la note 58 du tome V.