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NOTES.

qu’il avait gagné à courir les terres des Antiates, mais l’avait de son autorité propre distribué entre ceux qui avaient été ainsi que lui en cette course. Ce fut, à ce qu’on dit, ce de quoi Martius se trouva le plus étonné, pour ce qu’il n’eût jamais estimé qu’on lui eût dû imputer cela comme crime : au moyen de quoi il ne trouva point sur le champ de défense à propos pour s’en justifier, mais se mit à louer ceux qui avaient été avec lui dans cette course. Mais ceux qui n’y avaient été se trouvant en bien plus grand nombre crièrent tant et firent tant de bruit qu’il ne put être ouï. »

(11) « Finalement, quand ce vint à recueillir les voix et suffrages des liguées, il s’en trouva trois de plus qui le condamnèrent et fut la peine de leur condamnation, bannissement perpétuel : de laquelle sentence, après qu’elle fut prononcée, le peuple eut si grande joie que jamais pour bataille qu’il eût gagnée sur ses ennemis il n’avait été si aise ni en avait eu le cœur si élevé, tant il s’en alla de cette assemblée satisfait et réjoui. Mais au contraire le sénat en demeura fort déplaisant et fort triste, se repentant infiniment et se passionnant de ce que plutôt il ne s’était résolu de faire et souffrir toutes choses que d’endurer que ce menu peuple abusât ainsi superbement et outrageusement de son autorité. Si n’était point besoin de différence de vêtements ni d’autres marques extérieures pour discerner un populaire d’avec un patricien ; car on le connaissait assez au visage pour ce que celui qui avait chère joyeuse était de la part du peuple, et celui qui l’avait triste et mélancolique, était de la part de la noblesse : excepté Martius seul lequel, ni en sa contenance, ni en son marcher, ni en son visage, ne se montra onques étonné ni ravalé de courage, mais entre tous les autres gentilshommes qui se tourmentaient de sa fortune, lui seul montrait au dehors n’en sentir passion aucune, ni avoir compassion quelconque de soi-même : non que ce fût par discours de raison ou par tranquillité de mœurs qu’il supportât patiemment et modérément son infortune, mais par une véhémence de dépit et d’un appétit de vengeance qui le transportait si fort qu’il semblait ne sentir pas son mal. »