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NOTES.

se fortifiât à leur préjudice par un magistrat de si grande puissance et autorité que celui qu’on leur avait concédé, attendu qu’il leur était déjà redoutable, parce qu’il obtenait tout ce qu’il voulait, et ne faisait rien, s’il ne lui plaisait, et n’obéissait plus aux consuls, mais vivait en toute licence, sans reconnaître aucun supérieur qui lui commandât, sinon les chefs mêmes et auteurs de leurs partialités qu’il appelait ses magistrats. « Pourtant, dit-il, que ceux qui conseillaient et étaient d’avis qu’on fit des données publiques et distributions gratuites de blés à la commune, ainsi qu’on faisait és cités grecques, où le peuple avait plus absolue puissance, ne faisaient autre chose que nourrir la désobéissance du commun populaire, laquelle en fin de compte se terminerait à la ruine totale de la chose publique. Car jà ne penseront-ils pas que ce soit en récompense de leurs services, vu qu’ils savent bien que tant de fois ils ont refusé d’aller à la guerre, quand il leur a été commandé, ni de leurs mutineries, quand ils s’en sont allés d’avec nous, — en quoi faisant, ils ont trahi et abandonné leur pays, — ni des calomnies que leurs flatteurs leur ont mises en avant et qu’eux ont approuvées et reçues à l’encontre du sénat : mais ne faudront pas d’estimer que nous leur donnons et concédons cela en calant la voile, pour ce que nous les craignons, et que nous les flattons, de manière que leur désobéissance en ira toujours augmentant de pis en pis, et ne cesseront jamais de susciter nouveaux mutinements et nouvelles séditions. Pourtant serait-ce à nous une trop grande folie d’ainsi le faire : mais au contraire, si nous sommes sages, nous leur devons ôter leur tribunat, qui est tout évidemment la destruction du consulat et la division de cette ville, laquelle par ce moyen n’est plus une, comme elle voulait être, mais vient à être démembrée en deux partialités, qui entretiendront toujours discorde et dissension entre nous, et jamais ne permettront que nous retournions en union d’un même corps. »

En devisant ces raisons et plusieurs autres semblables, Martius échauffa merveilleusement en son opinion tous les