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CORIOLAN ET LE ROI LEAR.

semblée furent un peu apaisés, le consul Cominius se prit à dire : « Nous ne saurions, seigneurs, contraindre Martius d’accepter les présents que nous lui offrons, s’il ne lui plaît les recevoir, mais donnons-lui-en un si convenable au bel exploit qu’il a fait, qu’il ne le puisse pas refuser, et ordonnons que désormais il soit surnommé Coriolanus, si ce n’est que l’exploit même le lui avait donné avant nous. » Depuis ce jour-là il porta toujours ce troisième nom-là de Coriolanus. »

(7) « Peu de temps après, il vint à demander le consulat, et fléchissait déjà la commune à sa requête, ayant aucunement honte de rebouter et éconduire un personnage en noblesse de sang et en prouesse de sa personne, le premier de toute la ville, et mêmement qui leur avait fait tant et si grands services. Car la coutume était lors, à Rome, que ceux qui poursuivaient aucun magistrat et office public, quelques jours durant, se trouvassent sur la place, ayant seulement une robe simple sur eux, sans saye dessous, pour prier et requérir leurs citoyens de les avoir pour recommandés, quand ce viendrait au jour de l’élection, soit qu’ils le fissent ou pour émouvoir le peuple davantage, le priant en si humble habit, ou pour pouvoir montrer les cicatrices des coups qu’ils avaient reçus ès guerres pour la chose publique, comme certaines marques et témoignages de leur prouesse… Martius donc, suivant cette coutume, montrait plusieurs cicatrices sur sa personne des blessures reçues en diverses batailles par l’espace de dix-sept ans, qu’il avait continuellement toujours été à la guerre : tellement qu’il n’y avait celui du peuple qui n’eût en soi-même honte de refuser un si vertueux homme, et s’entre-disaient les uns aux autres qu’il fallait, comment que ce fût, l’élire consul. »

(8) « La maison des Martiens, à Rome, était du nombre des patriciennes, et en sont sortis plusieurs grands personnages entre lesquels fut Ancus Martius, fils de la fille du roi Numa, qui fut roi de Rome après Tullus Hostilius ; aussi en furent Publius et Quintus, qui ont fait conduire dedans Rome la plus grosse et la meilleure eau qui y soit, et Censorinus, ainsi sur-