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LE ROI LEAR.

et puisque ton langage respire je ne sais quelle noblesse, — arrière les objections d’une prudence méticuleuse ! Je pourrais m’en prévaloir, — selon la règle de la chevalerie, mais je les dédaigne et les repousse. — Je te rejette à la tête les trahisons que tu m’imputes ; — mon démenti les refoule sur ton cœur, avec l’exécration de l’enfer ; — elles éclatent au-dehors sans que tu en sois froissé ; — mais mon épée va leur frayer immédiatement une voie — dans le gouffre où elles doivent s’abîmer pour toujours… Trompettes, parlez !

Fanfares d’alarme. Ils se battent. Edmond tombe.
albany.

— Oh ! épargnez-le ! épargnez-le !

goneril, à Edmond.

C’est un vrai guet-apens, Glocester. — Par la loi des armes, tu n’étais pas tenu de répondre — à un adversaire inconnu ; tu n’es pas vaincu, — mais trompé et trahi.

albany, tirant la lettre que lui a remise Edgar.

Fermez la bouche, madame, — ou je vais vous la clore avec ce papier… Tenez, monsieur.

Il présente le papier à Edmond, puis à Goneril, qui essaie en vain de le lui arracher.

— Et toi, pire qu’aucun surnom, lis tes propres forfaits… — Ne l’arrachez pas, madame !… Je vois que vous le connaissez.

goneril.

— Et quand je le connaîtrais ! Les lois sont à moi, non à toi. — Qui pourrait me juger ?

Elle s’éloigne.
albany.

Monstrueuse !

À Edmond.

— Connais-tu ce papier ?