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LE ROI LEAR.

du feutre un escadron de chevaux ; j’en veux faire l’essai ; — et puis je surprendrai ces gendres, — et alors tue, tue, tue, tue, tue, tue ! (71)


Entre un officier, suivi d’une escorte.
l’officier, montrant Lear.

— Oh ! le voici ; mettez la main sur lui… Seigneur, — votre très-chère fille…

lear.

— Personne à la rescousse ! Quoi ! prisonnier ! Je suis donc toujours — le misérable bouffon de la fortune… Traitez-moi bien ; — je vous payerai rançon. Procurez-moi des chirurgiens, — je suis blessé à la cervelle.

l’officier.

Vous aurez ce que vous voudrez.

lear.

— Pas de seconds ! on me laisse tout seul ! — Ah ! c’en serait assez pour qu’un homme, un homme de cœur, — fît de ses yeux des arrosoirs — et abattît sous ses pleurs la poussière d’automne !

l’officier.

Bon sire…

lear.

— Je veux mourir vaillant comme un nouveau marié… Eh ! — je veux être jovial. Allons, allons, je suis roi ! — Savez-vous cela, mes maîtres ?

l’officier.

— Vous êtes une majesté, et nous vous obéissons. —

lear.

Il y a encore de la vie dans cette majesté-là. Même, si vous l’attrapez, vous ne l’attraperez qu’à la course ! Vite, vite, vite, vite !

Il sort en courant. L’escorte le poursuit.