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LE ROI LEAR.

quant au vrai besoin… — Ciel, accorde-moi la patience ; c’est de patience que j’ai besoin ! — Vous voyez ici, Ô dieux, un pauvre vieillard — accablé, double misère ! par la douleur et par les années ! — Si c’est vous qui soulevez les cœurs de ces filles — contre leur père, ne m’affolez pas — au point que je l’endure placidement ; animez-moi d’une noble colère. — Oh ! ne laissez pas les pleurs, ces armes de femme, — souiller mes joues mâles !… Non !… Stryges dénaturées, — je veux tirer de vous deux une telle vengeance — que le monde entier… Je veux faire des choses… — Ce qu’elles seront, je ne le sais pas encore ; mais elles feront — l’épouvante de la terre. Vous croyez que je vais pleurer. — Non, je ne pleurerai pas ; J’ai certes sujet de pleurer ; mais ce cœur — se brisera en cent mille éclats — avant que je pleure… Ô bouffon, je deviendrai fou !

Sortent Lear, Glocester, Kent et le fou.
cornouailles.

Retirons-nous, il va faire de l’orage.

Bruit lointain d’un orage.
régane.

— Ce manoir est petit ; le vieillard et ses gens — ne sauraient s’y loger à l’aise.

goneril.

C’est sa faute : il s’est lui-même privé d’asile ; il faut qu’il souffre de sa folie.

régane.

— Pour lui personnellement, je le recevrais volontiers, — mais pas un seul de ses gens.

goneril.

C’est aussi ma résolution. — Où est milord de Glocester ?


Glocester revient.
cornouailles.

— Il a accompagné le vieillard… Mais le voici de retour.