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SCÈNE VIII.

Vous qu’ont épuisés les veilles, — ô mes yeux, profitez de votre accablement pour ne pas voir — cette ignoble logette. — Bonne nuit, fortune ! souris encore une fois et fais tourner ta roue.

Il s’endort.

SCÈNE VIII.
[Une bruyère.]
Entre Edgar.
edgar.

— J’ai entendu la proclamation lancée contre moi ; — et, grâce au creux d’un arbre, — j’ai esquivé les poursuites. Pas un port qui ne soit fermé ; pas une place — où il n’y ait une vedette, où la plus rigoureuse vigilance — ne cherche à me surprendre. Tant que je puis échapper, — je suis sauvé… J’ai pris le parti — d’assumer la forme la plus abjecte et la plus pauvre — à laquelle la misère ait jamais ravalé l’homme — pour le rapprocher de la brute. Je veux grimer mon visage avec de la fange, — ceindre mes reins d’une couverture, avoir tous les cheveux noués comme par un sortilège ; — je veux, en leur présentant ma nudité, braver les vents et les persécutions du ciel. — Le pays m’offre pour modèles — ces mendiants de Bedlam qui, en poussant des rugissements, — enfoncent dans la chair nue de leurs bras inertes et gangrenés — des épingles, des échardes de bois, des clous, des brindilles de romarin, — et, sous cet horrible aspect, extorquent la charité des pauvres fermes, — des petits villages, des bergeries et des moulins, — tantôt par des imprécations de lunatiques, tantôt par des prières… — Je suis le pauvre Turlupin ! le pauvre Tom ! — C’est quelque chose… Edgar n’est plus rien (42).

Il sort.