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SCÈNE V.

le fou.

Tu verras que ton autre enfant te traitera aussi filialement : car, bien qu’elle ressemble à sa sœur comme une pomme sauvage à une pomme, pourtant je sais ce que je sais.

lear.

Eh bien, que sais-tu, mon gars ?

le fou.

Que celle-là différera de goût avec celle-ci autant qu’une pomme sauvage avec une pomme sauvage… Saurais-tu dire pourquoi on a le nez au milieu de la face ?

lear.

Non.

le fou.

Eh bien ! pour avoir un œil de chaque côté du nez, en sorte qu’on puisse apercevoir ce qu’on ne peut flairer.

lear, absorbé.

J’ai eu tort envers elle.

le fou.

Saurais-tu dire comment l’huître fait son écaille ?

lear.

Non.

le fou.

Moi non plus ; mais je saurais dire pourquoi un colimaçon a une maison.

lear.

Pourquoi ?

le fou.

Eh bien, pour y caser sa tête, et non pour la donner à ses filles et laisser ses cornes sans abri.

lear, toujours absorbé.

Je veux oublier ma nature… Un père si affectueux !… Mes chevaux sont-ils prêts ?