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SCÈNE IV.

créature féconde ! — Porte la stérilité dans sa matrice ! — Dessèche en elle les organes de la génération, — et que jamais de son corps dégradé il ne naisse — un enfant qui l’honore ! S’il faut qu’elle conçoive, — forme de fiel son nourrisson, en sorte qu’il vive — pour la tourmenter de sa perversité dénaturée ! — Puisse-t-il imprimer les rides sur son jeune front, — creuser à force de larmes des ravins sur ses joues, — et payer toutes les peines, tous les bienfaits de sa mère — en dérision et en mépris, afin qu’elle reconnaisse — combien la morsure d’un reptile est moins déchirante — que l’ingratitude d’un enfant… Partons ! partons !

Il sort.
albany.

— Dieu que nous adorons, d’où vient tout ceci ?

goneril.

— Ne vous tourmentez pas d’en savoir le motif, — et laissez son humeur prendre l’essor — que lui donne le radotage.


Rentre Lear.
lear.

— Quoi ! cinquante de mes écuyers d’un coup !… — au bout de quinze jours !

albany.

Qu’y a-t-il, monsieur ?

lear.

— Je vais te le dire.

Il pleure. À Goneril.

Vie et mort ! quelle honte pour moi — que tu puisses ébranler ainsi ma virilité, — et que ces larmes brûlantes qui m’échappent malgré moi — te fassent digne d’elles !… Tombent sur toi ouragans et brouillards !… — que les in-