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SCÈNE IV.

le fou.

L’ombre de Lear !

lear.

Je voudrais le savoir, car, par le témoignage souverain de l’entendement et de la raison, je serais induit à me figurer que j’ai eu des filles.

le fou.

Lesquelles veulent faire de toi un père obéissant (32).

lear, à Goneril.

Votre nom, belle dame ?

goneril.

— Allons, monsieur, cet ébahissement est à l’avenant — de vos autres récentes fredaines. Je vous adjure — de bien comprendre ma pensée ; — vieux et vénérable comme vous l’êtes, vous devriez être sage. — Ici même vous entretenez cent chevaliers et écuyers, — tous si désordonnés, si débauchés, si impudents, — que notre cour, souillée par leur conduite, — a l’air d’une auberge en pleine orgie. L’épicuréisme et la luxure — en font une taverne ou un lupanar — plutôt qu’un palais princier. La pudeur même réclame — un remède immédiat. Accédez donc au désir — de celle qui autrement pourrait bien exiger la chose qu’elle demande : — réduisez un peu votre suite, — et que ceux qui resteront dans votre dépendance — soient des gens qui conviennent à votre âge — et sachent ce qu’ils sont et ce que vous êtes.

lear.

Ténèbres et enfer ! — qu’on selle mes chevaux, qu’on rassemble ma suite. — Dégénérée bâtarde ! je ne te troublerai plus ! — Il me reste une fille.

goneril.

— Vous frappez mes gens ; et tous les insolents de votre bande — font des serviteurs de leurs supérieurs !…