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INTRODUCTION.

à l’édifice de mes rêves : une seule chose te manque, et je ne doute pas que Rome ne te la confère. » Cette chose unique qui manque à Coriolan, c’est la toge de consul. La mère ambitieuse est pressée de tirer du triomphe de Marcius toutes ses conséquences politiques : elle sait que ses désirs sont des ordres pour son fils, et déjà elle lui impose la splendide servitude du pouvoir. Vainement le caractère indépendant de Coriolan voudrait se dérober à ces exigences maternelles : « Ah ! sachez-le, bonne mère, j’aime mieux servir les Romains à ma guise que les commander à la leur. » Marcius a beau dire : il faut qu’il obéisse. Toute parole de Volumnie est pour lui une consigne. Il se rend donc au sénat. Les pères conscrits le proclament consul à l’unanimité. Coriolan accepte avec une respectueuse déférence le mandat de la noble assemblée à laquelle « il doit pour toujours ses services et sa vie. » Mais il supplie qu’on le dispense de se présenter comme candidat devant le peuple. Lui, Coriolan, implorer les suffrages de la plèbe ! Jamais il ne pourra se plier à ce dégradant usage. Pourtant la loi est formelle : le choix des patriciens, pour être valide, doit être confirmé par les plébéiens. Les tribuns, présents à la séance, réclament avec une légitime insistance la stricte observation de la constitution républicaine. Bon gré mal gré, Marcius doit se soumettre à toutes les formalités légales.

Par une inexactitude magistrale, l’auteur s’est départi ici du scénario que lui indiquait l’histoire. Plutarque dit expressément que Marcius se conforma sans résistance à toutes les prescriptions de la loi : « Marcius, suivant la coutume, montrait plusieurs cicatrices, sur sa personne, de blessures reçues en plusieurs batailles par l’espace de dix-sept ans, tellement qu’il n’y avait celui du peuple qui n’eût en soi-même honte de refuser à un si vertueux homme, et s’entre-disaient les uns aux autres qu’il