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CORIOLAN.

noble hauteur, — excepté quand parle la nécessité. Je vous ai ouï dire — que l’honneur et l’artifice, comme deux amis inséparables, — se soutiennent à la guerre. J’accorde cela, mais dites-moi — quel inconvénient s’oppose — à ce qu’ils se combinent dans la paix.

coriolan.

Bah ! bah !

ménénius.

Excellente question.

volumnie.

— Si, dans vos guerres, l’honneur admet que vous paraissiez — ce que vous n’êtes pas, procédé que vous adoptez — pour mieux arriver à vos fins, pourquoi donc cet artifice — ne serait-il pas compatible avec l’honneur, dans la paix — aussi bien que dans la guerre, puisque, dans l’une comme dans l’autre — il est également nécessaire ?

coriolan.

Pourquoi insister ainsi ?

volumnie.

— Parce qu’il vous est loisible de parler — au peuple, non d’après votre propre inspiration, — ni d’après les sentiments que vous souffle votre cœur, — mais en phrases murmurées du bout — des lèvres, syllabes bâtardes — désavouées par votre pensée intime. — Or, il n’y a pas là plus de déshonneur — qu’à vous emparer d’une ville par de douces paroles, — quand tout autre moyen compromettrait votre fortune et — exposerait nombre d’existences. — Moi, je dissimulerais avec ma conscience, — si mes destins et mes amis en danger l’exigeaient — de mon honneur. En ce moment tous vous adjurent par ma voix, — votre femme, votre fils, les sénateurs, les nobles. — Mais vous, vous aimez mieux montrer à nos badauds — une mine maussade que leur octroyer un sourire — pour ob-