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SCÈNE XIV.

brutus.

Vous parlez du peuple, — comme si vous étiez un dieu pour punir, et non un homme — infirme comme nous.

sicinius.

Il serait bon — que nous le fissions savoir au peuple.

ménénius, à Sicinius.

Voyons, voyons, un mouvement de colère !

coriolan.

De colère ! — Quand je serais aussi calme que le sommeil de minuit, — par Jupiter ! ce serait encore mon sentiment.

sicinius.

C’est un sentiment — empoisonné qu’il faut laisser dans son réceptacle, — pour qu’il n’empoisonne pas autrui.

coriolan.

Qu’il faut laisser ! — Entendez-vous ce Triton du fretin ? Remarquez-vous — son impérieux Il faut ?

cominius.

Ce langage est légal.

coriolan.

Il faut ! — Ô bons, mais trop imprudents patriciens, — ô graves, mais imprévoyants sénateurs, pourquoi avez-vous ainsi — permis à cette hydre de choisir un représentant qui, avec un mot péremptoire, lui, simple — trompette et porte-voix du monstre, ose — prétendre qu’il détournera dans un fossé le cours de votre autorité — et fera son lit du vôtre ? S’il a le pouvoir, — alors humiliez votre impuissance ; sinon, secouez — votre dangereuse indulgence. Si vous êtes éclairés, — n’agissez pas comme de vulgaires insensés ; si vous ne l’êtes pas, — qu’ils aient des coussins près de vous. Vous êtes plébéiens, — s’ils sont sénateurs ; et ils le sont — du moment où, leur suffrage étant mêlé au vôtre, c’est le leur — qui prédomine. Ils choisissent un magistrat ; — et celui qu’ils choisis-