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APPENDICE.

toutes les Ardennes, vêtue d’une jupe d’écarlate, d’une mantille verte, et couronnée d’une guirlande de roses, sous laquelle brillaient deux yeux qui auraient pu enflammer un plus grand personnage que Montanus. En extase devant cette nymphe ravissante, était assis le berger ; la tête dans sa main et son coude sur son genou, il murmurait ainsi contre l’injustice de l’Amour :

Hélas ! Tyran, plein de rigueur,
Modère un peu ta violence :
Que te sert si grande dépense ?
C’est trop de flammes pour un cœur.
Épargnes-en une étincelle,
Puis fais ton effort d’émouvoir
La fière qui ne veut point voir
En quel feu je brûle pour elle.
Exécute, Amour, ce dessein,
Et rabaisse un peu son audace :
Son cœur ne doit être de glace,
Bien qu’elle ait de neige le sein[1].

Montanus termina ces stances par une volée de soupirs et par un torrent de larmes qui auraient pu émouvoir toute autre que Phébé : — Ah ! Phébé, s’écria-t-il enfin, de quoi donc es-tu faite, que tu n’as pas pitié de ma souffrance ? Suis-je un objet si odieux ou si vil, que tu ne puisses m’accorder un gracieux regard ? Tout dévoué au service de Phébé, ne recueillerai-je aucune récompense de ma fidélité ? Si le temps peut prouver ma constance, voilà deux fois sept hivers que j’aime la belle Phébé. Si les signes extérieurs peuvent révéler les affections intérieures, les sillons creusés sur ma face peuvent révéler les souffrances de mon cœur. Les larmes du désespoir ont ridé mes joues. Et Phébé est seule insensible à mes plaintes. Pourquoi ? Parce que je suis Monta-

  1. Ces vers, que ne désavouerait pas un poëte de la Pléïade, sont en français
    dans le texte original.