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NOTES.

They know what beauty is, see where it lies,
Yet what the best is, lake the worst to be.

« Ô toi, aveugle fou, amour, que fais-tu à mes yeux — pour qu’ils regardent ainsi sans voir ce qu’ils voient ? — Ils savent ce qu’est la beauté, ils voient où elle se trouve : — pourtant ils prennent pour parfait ce qu’il y a de pire. »

Sonnet xv, 137.

Ce qui rend ce rapprochement plus frappant, c’est que la bien-aimée de Valentin est accusée de se farder comme la bien-aimée du poëte : « Her beauty is painted, sa beauté est peinte, prétend le page en parlant de Silvia. » — « Mon mauvais génie, dit Shakespeare de sa maîtresse, est une femme fardée. »

My worser spirit a woman, colour’d ill.

Sonnet xxix, 144.

J’ai déjà noté, au sixième volume, certains traits de ressemblance entre Rosaline et la coquette qui fit tant souffrir Shakespeare. Les mêmes traits se retrouvent dans la figure de Silvia. Le jeune Shakespeare semble avoir suivi l’exemple du jeune Raphaël : il a fait poser sa maîtresse pour ses premiers portraits de femme, Silvia, dans les Deux Gentilshommes de Vérone, Rosaline, dans Peines d’amour perdues, Béatrice, dans Beaucoup de bruit pour rien, Rosalinde, dans Comme il vous plaira, rappellent à des degrés différents le type provoquant et gracieux que l’amour révéla au poëte.

(5) Le raisonnement spécieux par lequel Protée essaie ici d’atténuer sa faute, le poëte le fait dans un de ses Sonnets pour excuser la double trahison de son ami et de sa maîtresse :

If I lose thee, my loss is my love’s gain,
And, losing her, my friend has found that loss ;
Both find each other, and I lose both twain,
And both for my sake lay on me this cross.

« Si je te perds, ma perte fait le gain de ma bien-aimée, — et si je la perds, c’est mon ami qui recouvre l’égarée ; — si je vous perds tous deux, tous deux vous vous recouvrez, — et c’est encore pour mon bien que vous me faites porter cette croix. »

Sonnet xxxv, 42.

J’insiste expressément sur ces similitudes qu’aucun commentateur n’a remarquées jusqu’ici et qui prouvent la parenté, si longtemps méconnue, entre l’œuvre lyrique et l’œuvre dramatique de notre poëte.

(6)

The table herein all my thoughts
Are visibly charactered.