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SCÈNE I.
[Un verger, devant la maison d’Olivier.]
Entrent Orlando et Adam.
orlando.

Autant qu’il m’en souvient, Adam, c’est dans ces conditions que m’a été fait ce legs : par testament, rien qu’un pauvre millier d’écus, mais, comme tu dis, injonction à mon frère de bien m’élever, sous peine de la malédiction paternelle ; et voilà l’origine de mes chagrins. Il entretient mon frère Jacques à l’école, et la renommée fait de ses progrès le récit le plus doré. Quant à moi, il m’entretient rustiquement au logis, ou, pour mieux dire, il me garde au logis sans entretien : car, pour un gentilhomme de ma naissance, appelez-vous entretien un traitement qui ne diffère pas de la stabulation d’un bœuf ? Ses chevaux sont mieux élevés ; car, outre qu’ils ont abondance de fourrage, ils sont dressés au manège, et dans ce but on loue à grands frais des écuyers. Mais moi, son frère, je ne gagne rien sous sa tutelle que de la croissance : sous ce rapport, les bêtes de son fumier lui sont aussi obligées que moi. En échange de ce néant qu’il m’accorde si libéralement, il affecte par tous ses procédés de m’enlever le peu que m’a accordé la nature : il me fait manger avec sa valetaille,