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SONNETS.

Je souhaiterai que tu obtiennes ton désir, si tu reviens calmer les lamentations de Will.

IV

Ces lèvres, que la main même de l’Amour a faites, m’ont dans un murmure jeté ces mots : je hais, à moi qui languissais près d’elle ; mais quand elle a vu mon déplorable état,

Vite du fond de son cœur la compassion est venue pour gronder cette langue qui, suave toujours, était en train de prononcer un doux arrêt, et lui en a fait changer la teneur.

Elle a modifié ce je hais par une conclusion qui l’a suivi comme un beau jour suit la nuit chassée, ainsi qu’un démon du ciel dans l’enfer.

« Je hais, » avait-elle dit ; mais, reprenant ces mots à la haine, elle m’a sauvé la vie en ajoutant : — Pas vous !

V

Que de fois, ô ma vivante musique, quand tu joues de la musique sur ce bois bienheureux dont la vibration résonne sous tes doigts harmonieux, quand tu règles si doucement l’accord métallique qui ravit mon oreille,

J’envie les touches (2) qui, dans leurs bonds agiles, baisent le tendre creux de ta main, tandis que mes pauvres lèvres, qui devraient recueillir cette récolte, restent près de toi toutes rouges de la hardiesse du bois !

Pour être ainsi caressées, elles changeraient bien d’état