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INTRODUCTION.

répétés presque littéralement dans Vénus et Adonis. Nous sommes donc convaincu, pour notre part, que le poéme de Vénus et Adonis n’est que la formule symbolique de l’idée si longuement développée dans les derniers sonnets : la nécessité du mariage. Dans ce poëme, où Shakespeare nous montre Adonis obsédé par les sollicitations de Vénus, c’est-à-dire la beauté tentée par l’amour, Adonis est, selon nous, la personnification de Southampton lui-même. Or, une chose singulière, c’est que Shakespeare dit justement à son mystérieux ami dans le lxve siècle sonnet :

Describe Adonis, and the counterfeit
Is poorly imitated after you.

Qu’on décrive Adonis, et le portrait ne sera qu’une pauvre imitation de vous.

Henry Wriothesly, comte de Southampton, naquit le 6 octobre 1573. Il avait donc de vingt à vingt-cinq ans à l’époque où les sonnets furent composés. C’est bien l’âge qu’on doit donner à ce tout jeune homme que Shakespeare appelle parfois paternellement : « Sweet boy, mon doux enfant ! » Tout le portrait que le poëte nous fait de son ami concorde parfaitement avec celui que l’histoire nous a laissé de Southampton. Southampton était beau, riche, noble ; son père, ancien partisan de Marie Stuart, mort des 1581, était de ces seigneurs de vieille roche qui avaient conservé, en dépit de la despotique Élisabeth, les antiques croyances catholiques et les mœurs féodales. « Le comte, dit Markham, avait pour suite, non pas quatre laquais, mais une troupe d’au moins cent gentilshommes et vassaux bien montés ; il ne se faisait pas précéder dans les rues par douze singes en livrée, mais par des huissiers à chaînes d’or ; non par des papillons bariolés, toujours courant comme si quelque monstre les poursuivait, mais par de grands beaux gaillards, marchant toujours du même pas, qui gardaient sa per-