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SONNETS ET POÈMES.

So are those crisped snaky golden locks,
Which make such wanton gambols with the wind,
Upon supposed fairness, often known
To be the dowry of a second head,
The skull that bred them in the sepulcre.

Ainsi ces tresses d’or serpentines qui jouent si coquettement avec le vent sur une beauté supposée, sont souvent connues pour être le douaire d’une seconde tête, le crâne qui les a nourries étant dans le sépulcre.

Ailleurs, Shakespeare, s’adressant aux vendeuses d’amour de son temps par la voix formidable de Timon d’Athènes, s’écrie :

Thatch your poor thin roofs
With burdens of the dead ; — some that were hanged,
No matter : wear them, betray with them ; whore still.

Donnez pour chaume à vos pauvres toits dénudés la dépouille des morts ; quelques-uns ont été pendus, qu’importe ! portez-la, servez-vous-en pour trahir et vous prostituer encore.

Dans Shakespeare, ce n’est pas l’homme seulement qui s’indigne contre cette mode impie, c’est l’artiste.

Ce qui le révolte, ce n’est pas seulement la violation des tombeaux, l’outrage fait à la mort ; c’est la violation de la nature, l’outrage fait à la beauté vivante. Dans l’expression passionnée de sa haine contre tout ce qui est postiche, ne semble-t-il pas que le poëte obéisse a quelque pressentiment ? Le faux, une fois entré dans la mode, ne va-t-il pas envahir l’art ? On dirait que l’auteur d’Hamlet voit déjà se projeter sur le ciel de l’idéal comme une ombre de la solennelle perruque portée par la tragédie de Louis XIV.

(14) Ce sonnet mystérieux est resté jusqu’ici une énigme pour les commentateurs. Tout récemment, en avril 1864, un critique anonyme en a donné une explication fort ingénieuse dans la Revue trimestrielle de Londres (Quarterly Review). Selon ce critique, le poëte qui provoque ici la jalousie de Shakespeare n’est autre que Marlowe, identifié