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LE PHÉNIX ET LA COLOMBE

Que l’oiseau au chant sublime qui habite l’arbre unique d’Arabie, soit le héraut éclatant et grave à la voix duquel obéissent les chastes ailes.

Mais, toi, rauque messager, sombre précurseur du démon, prophète de la fiévreuse agonie, ne te mêle pas à cet essaim.

Que de cette solennité soient exclus tous les oiseaux à l’aile meurtrière, hormis l’aigle, roi des airs : telle est la règle de ces obsèques.

Que le prêtre en blanc surplis, appelé à chanter la musique funèbre, soit le cygne pressentant la mort, et qu’il solennise le Requiem.

Et toi, corbeau trois fois centenaire qui fais noire ta couvée avec le souffle que tu lui communiques, c’est toi qui mèneras le deuil.

Ici l’anthème commence : — L’amour et la constance sont morts ; le phénix et la tourterelle se sont enfuis d’ici dans une flamme mutuelle.

Ils s’aimaient à tel point que leur amour partagé ne faisait qu’un. Deux êtres distincts, nulle division. Le nombre était anéanti dans leur amour.

Cœurs séparés, mais non disjoints ! on voyait la distance, et non l’espace, entre la tourterelle et son roi. Mais en eux c’était un prodige.