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LE PÈLERIN PASSIONNÉ.

loppés de plomb ; tous les oiseaux, tes camarades, chantent, sans souci de ta douleur. Pauvre oiseau, je suis comme toi : nul vivant ne veut me plaindre.

XVIII

Tant que souriait l’inconstante fortune, toi et moi nous étions cajolés. Aucun de tes flatteurs n’est ton ami dans la misère.

Les paroles sont mobiles comme le vent ; les amis fidèles sont difficiles à trouver. Chacun sera ton ami, tant que tu auras de quoi dépenser.

Mais, pour peu que s’épuise ta provision d’écus, personne ne subviendra à tes besoins.

S’il existe un prodigue, tous le qualifient de généreux, et l’accablent de telles flatteries qu’il perdrait à être roi.

S’il est adonné aux vices, bien vite ils l’entraîneront ; s’il a du goût pour les femmes, il en aura à commandement.

Mais, pour peu que la fortune soit contraire, alors adieu sa grande réputation. Ceux qui le cajolaient naguère ne fréquentent plus sa compagnie.

Celui qui est vraiment ton ami, celui-là t’aidera dans ton besoin ; si tu t’affliges, il pleurera ; si tu as des insomnies, il ne dormira pas.

Il prendra part dans son cœur à toutes tes douleurs. Voilà des signes certains pour distinguer un ami fidèle d’un ennemi sincère.


fin du pèlerin passionné.