Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/290

Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
LES PLAINTES D’UNE AMOUREUSE.

seconde fois de lui faire partager ses chagrins dans une confidence : s’il est une chose qu’elle puisse réclamer de lui pour calmer ses angoisses, la charité de l’âge la lui promet d’avance.

XI

« Mon père, dit-elle, quoique vous aperceviez en moi l’injurieuse flétrissure des heures, n’allez pas juger que je suis vieille ; ce n’est pas l’âge, mais le chagrin qui m’accable. Maintenant encore, j’aurais l’épanouissement d’une fleur fraîche éclose, si j’avais consacré mon amour à moi-même et non à un autre.

XII

» Mais, malheur à moi ! J’ai trop vite écouté les doux propos d’un jeune homme qui voulait gagner mes grâces. La nature l’avait doué de tant de charmes extérieurs, que les yeux des jeunes filles se collaient à toute sa personne. L’amour, manquant de gîte, l’avait choisi pour retraite, et, depuis qu’il était installé en si beau lieu, il était dans un nouveau sanctuaire et déifié de nouveau.

XIII

» Ses cheveux bruns pendaient en boucles frisées, et le plus léger souffle du vent en jetait sur ses lèvres les mèches soyeuses. Ce qu’il est doux de faire se fait si complaisamment ! Tout regard jeté sur lui enchantait l’âme, car sur ses traits étaient esquissées en petit les splendeurs dont l’imagination sème le paradis.