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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CCXLIII

À cette requête, chacun des seigneurs présents s’empresse avec une noble ardeur de promettre le secours que la chevalerie les oblige à prêter ; il leur tarde d’entendre dénoncer l’odieux ennemi ; mais elle, qui n’a pas terminé sa triste tâche, coupe court à leur prière : « Oh ! parlez, s’écrie-t-elle ; comment pourrai-je me laver de cette tache forcée ?

CCXLIV

» Quelle est la nature de ma faute, de cette faute, à laquelle j’ai été contrainte par d’horribles circonstances ? Mon âme pure peut-elle se soustraire à cette dégradation, pour relever mon honneur abaissé ? À quelles conditions puis-je être acquittée d’un tel malheur ? La source empoisonnée se purifie. Pourquoi ne pourrais-je pas, comme elle, me purifier d’une souillure involontaire ? »

CCXLV

Sur ce, tous déclarent d’une voix unanime que la pureté de son âme efface l’impureté de son corps ; tandis qu’avec un sourire mélancolique elle détourne la tête, — mappemonde qui porte, gravée par des larmes, la profonde impression d’une dure infortune. « Non, dit-elle, jamais femme à l’avenir ne pourra, pour s’excuser, se prévaloir de mon excuse. »

CCXLVI

Ici, avec un soupir, comme si son cœur allait se briser, elle profère le nom de Tarquin : « C’est lui ! c’est lui ! »