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LE VIOL DE LUCRÈCE.

CXCVII

Là, à mille objets lamentables, comme pour narguer la nature, l’art a donné une vie inanimée ; tel coup de pinceau sec semble une larme humaine, versée par l’épouse sur le cadavre de l’époux. Le sang rouge semble fumer pour attester l’effort du peintre, et çà et là des yeux mourants jettent une lueur cendrée, comme des charbons mourants qui s’éteignent dans une nuit profonde.

CXCVIII

Là, vous pourriez voir à l’œuvre le pionnier inondé de sueur et noir de poussière. Dans les tours même de Troie apparaissent à travers les meurtrières les yeux même des assiégés fixés sans grand espoir sur les Grecs. Il y a dans cette œuvre une si exquise observation qu’on peut distinguer la tristesse de ces regards lointains.

CXCIX

Sur le visage des grands chefs grecs vous pourriez voir la grâce et la majesté triomphantes ; chez les jeunes gens, l’attitude de l’énergie et de la dextérité ; çà et là le peintre dissémine de pâles couards, marchant d’un pas tremblant, qui ressemblent si bien à de lâches paysans qu’on jurerait les voir frissonner et frémir.

CC

Dans Ajax et dans Ulysse, oh ! quels jeux de physionomie ! Les deux visages expriment les deux cœurs ; les traits disent nettement les caractères. Dans les yeux d’Ajax rou-