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LE VIOL DE LUCRÈCE.

sont en fête, tandis que la peste se propage ; tu n’accordes pas un moment aux actes charitables. La colère, l’envie, la trahison, le viol, le meurtre furieux, trouvent toujours des heures atroces qui leur servent de pages !

CXXXI

» Quand la probité et la vertu ont affaire à toi, mille traverses les privent de ton aide ; elles achètent cher ton secours ; mais le mal ne le paie jamais ; il arrive gratis, et tu es aussi satisfaite de l’entendre que de lui accorder ce qu’il demande. Mon Collatin serait venu me trouver au lieu de Tarquin, mais c’est toi qui l’as retenu.

CXXXII

» Tu es coupable de meurtre et de vol ; coupable de parjure et de subornation ; coupable de trahison, de faux et d’imposture ; coupable d’inceste, cette abomination ! Tu es de ton plein gré complice de tous les crimes passés et de tous les crimes à venir, depuis la création jusqu’au jugement dernier.

CXXXIII

» Temps monstrueux, compagnon de la hideuse nuit, rapide et subtil courrier du sinistre souci, vampire de la jeunesse, esclave faux des fausses jouissances, vile sentinelle de malheurs, cheval de bât du vice, trébuchet de la vertu, tu nourris tout, et tu assassines tout ce qui est. Oh ! écoute-moi donc, temps injurieux et changeant, sois coupable de ma mort, puisque tu l’es de mon crime.