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LE VIOL DE LUCRÈCE.

LXII

Celles-ci sont pareilles à de vils maraudeurs qui combattent pour le pillage, à des vassaux endurcis qui accomplissent de féroces exploits et se plaisent au meurtre et au viol sans se soucier des larmes des enfants ni des lamentations des mères ; gonflées par la convoitise, elles attendent l’assaut ; bientôt le cœur, battant la charge, donne le signal de l’ardente attaque et leur commande d’agir à leur gré.

LXIII

Son cœur, vrai tambour, encourage son œil brûlant ; son œil transmet le commandement à sa main ; sa main, fière d’une telle dignité, fumante de désir, s’avance pour se poser sur le sein nu de Lucrèce, au cœur même de tous ses domaines ; devant cette poignante escalade, les rangées de veines bleues abandonnent leur rondes tourelles blêmes et sans défense.

LXIV

Elles affluent dans le paisible sanctuaire où dort leur chère souveraine, la préviennent de la terrible agression, et l’épouvantent de leurs clameurs confuses ; elle, très-effarée, ouvre brusquement ses yeux si bien clos qui, hasardant un regard pour reconnaître tout ce tumulte, sont troublés et offusqués par la fumée de la torche.

LXV

Imaginez une créature, dans une nuit sépulcrale, réveillée d’un sommeil profond par une vision terrible, et croyant avoir aperçu quelque funèbre fantôme dont le sinistre aspect fait trembler tous ses membres. Quelle