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LE VIOL DE LUCRÈCE.

si haut sa fortune, qu’à l’entendre, si les rois peuvent épouser plus de gloire, ni roi ni seigneur ne pourrait épouser une dame aussi parfaite.

IV

Ô bonheur connu de si peu d’êtres ! évanoui aussitôt que goûté, comme la rosée d’argent du matin devant les rayons d’or du soleil ! doux moment expiré, disparu avant d’avoir réellement commencé ! L’honneur et la beauté, dans les bras de leur possesseur, sont faiblement protégés contre un monde de périls.

V

La beauté persuade les yeux des hommes, d’elle-même, sans interprète : qu’est-il besoin de louanges pour faire ressortir ce qui est si remarquable ? Pourquoi Collatin a-t-il ainsi publié ce riche bijou qu’il aurait dû cacher aux ravisseurs, comme son bien le plus cher ?

VI

Peut-être est-ce son éloge de la souveraine grâce de Lucrèce qui a tenté ce fils arrogant d’un roi, car nos cœurs sont souvent entamés par nos oreilles ; peut-être est-ce le panégyrique d’un si splendide objet, défiant toute comparaison, qui a irrité l’altière envie de Tarquin, humilié de ce qu’un subalterne se vantât d’un bonheur d’or inconnu de ses supérieurs.

VII

Quoi qu’il en soit, une inspiration téméraire a stimulé son trop téméraire empressement ; son honneur, ses de-