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VÉNUS ET ADONIS.

dans les airs ses lamentations ; un autre et puis un autre lui répondent, agitant contre terre leur queue superbe, secouant leurs oreilles écorchées, saignant à chaque pas.

CLV

Voyez comme les pauvres habitants de ce monde sont alarmés par les apparitions, les signes et les prodiges qu’ils ont longtemps contemplés d’un œil hagard pour en tirer de terribles prophéties ; de même, à ces tristes signes, Vénus retient son haleine, puis, l’exhalant dans un soupir, elle se récrie contre la mort :

CLVI

« Tyran horrible, affreux, maigre et décharné, odieux divorce des amours (c’est ainsi qu’elle apostrophe la Mort), spectre au grincement sinistre, ver de la terre, que prétends-tu donc ? Étouffer la beauté ! éteindre le souffle de cet être dont la beauté prête à la rose son éclat, dont le souffle prête son parfum à la violette !

CLVII

» S’il est mort… Oh ! non, il est impossible qu’en voyant sa beauté, tu aies osé la frapper !… Oh ! oui, c’est possible ! Tu n’as pas d’yeux pour voir ; mais tu frappes atrocement au hasard. La vieillesse est ta cible ; mais ton trait infidèle manque ce but, et perce le cœur d’un enfant.

CLVIII

« Si seulement tu avais crié gare ! alors il aurait élevé la voix, et, en l’entendant, tu n’aurais pas pu user de