Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
VÉNUS ET ADONIS.

que la nature traîtresse soit condamnée comme faussaire pour avoir volé au ciel le creuset divin où elle t’a formé, en dépit des cieux tout-puissants, pour humilier le soleil, le jour, et elle, Cynthia, la nuit.

CXXIII

» Aussi a-t-elle corrompu les destins, pour qu’ils dégradent le chef-d’œuvre exquis de la nature, entachent sa beauté d’infirmités, sa perfection pure d’impurs défauts, et le soumettent à la tyrannie des calamités effrénées et des maux de toutes sortes :

CXXIV

» Tels que la fièvre brûlante avec ses accès de pâleur et de défaillance, la peste qui empoisonne la vie, le frénétique délire, l’affection funeste qui ronge la moelle des os et qui produit ses ravages en brûlant le sang. Les dégoûts, les apostèmes, la douleur et le désespoir damné ont juré la mort de la nature pour t’avoir fait si beau.

CXXV

» L’un des plus graves effets de ces maladies, est de détruire la beauté en une minute de combat : l’éclat, le goût, le teint, toutes les qualités qu’admirait naguère l’impartial contemplateur, sont tout à coup ruinés, dégradés, perdus, comme la neige des montagnes qui fond au soleil du midi.

CXXVI

» Ainsi donc, en dépit de l’inféconde chasteté des vestales sans amour et des nonnes n’aimant qu’elles-mêmes,