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VÉNUS ET ADONIS.

XCII

Enfin la fougueuse passion a saisi sa proie vaincue ; gloutonne, elle la dévore, sans s’en rassasier. Les lèvres de Vénus sont victorieuses, les lèvres d’Adonis obéissent, et paient la rançon qu’exige la triomphatrice ; dans son élan de vautour, elle élève si haut le taux de cette rançon, qu’elle menace de mettre à sec le riche trésor de ces lèvres mortelles.

XCIII

Une fois qu’elle a goûté les délices du pillage, elle se met à fourrager avec une aveugle furie ; son visage sue et fume, son sang bout, et le désir, effréné provoque en elle une audace désespérée ; elle arbore l’oubli de tout, et repousse la raison, sans se soucier des chastes rougeurs de la honte et du naufrage de la pudeur.

XCIV

Échauffé, affaibli, épuisé par ces violentes étreintes, pareil à un oiseau sauvage qu’on apprivoise à force de le manier, ou à l’agile chevreuil harassé par la chasse, ou à l’enfant revêche qu’on calme en le dorlotant, Adonis obéit et cesse de résister, tandis que Vénus lui prend tout ce qu’elle peut, sinon tout ce qu’elle veut.

XCV

Quelle est la cire si congelée qui ne fonde au frottement et ne finisse par céder à la plus légère impression ?