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VÉNUS ET ADONIS.

avait enseigné une expression si méprisante, si dédaigneuse, qu’ils ont assassiné mon pauvre cœur ; et mes yeux, loyaux guides de leur reine, eussent à jamais cessé de voir sans la pitié de tes lèvres.

LXXXV

» Puissent, pour cette cure-là, tes lèvres se baiser longtemps ! Oh ! que jamais leur livrée cramoisie ne s’use ! Puisse leur fraîcheur à jamais durable sans cesse éloigner les fléaux des années terribles ! En sorte que les astrologues, après avoir annoncé la mort, puissent dire que la peste est bannie par ton souffle.

LXXXVI

» Lèvres pures, sceaux ineffables imprimés sur mes douces lèvres ! Quel contrat puis-je faire pour qu’elles restent scellées sur moi ? Me vendre ! je le veux bien, pourvu que tu m’achètes et que tu paies scrupuleusement. Si tu fais le marché, de crainte d’équivoques, appose ton seing privé sur la cire rouge de mes lèvres.

LXXXVII

» Pour mille baisers tu achèteras mon cœur, et tu les paieras à ton loisir, un à un. Qu’est-ce que dix fois cent baisers pour toi ? N’est-ce pas vite compté, vite donné ? Convenons qu’en cas de non-paiement, la dette sera doublée ; est-ce un si grand embarras que deux mille baisers ? »

LXXXVIII

« Belle reine, dit Adonis, si vous avez pour moi de l’amour, mesurez ma froideur à la verdeur de ma jeu-