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VÉNUS ET ADONIS.

deux faibles colombes me traînent à travers le ciel, du matin jusqu’au soir, partout où il me plaît de m’ébattre. Cet amour si léger, doux enfant, se peut-il qu’il te semble si lourd

XXVII

» Ton cœur est-il affecté à ton visage ? Ta main droite peut-elle ravir l’amour à ta gauche ? Alors poursuis-toi toi-même, et sois repoussé par toi-même ; vole ta propre liberté, et plains-toi du vol. Ainsi Narcisse lui-même s’abandonna lui-même, et mourut pour baiser son ombre dans le ruisseau.

XXVIII

» Les torches sont faites pour éclairer, les bijoux pour parer, les friandises pour être goûtées, la fraîche beauté pour être possédée, les herbes pour embaumer, les plantes savoureuses pour produire ; ce qui ne croît que pour soi est un abus de la croissance ; les semences naissent des semences, et la beauté engendre la beauté. Tu fus engendré, engendrer est ton devoir.

XXIX

» Pourquoi te nourris-tu des œuvres de la terre, si tu ne nourris pas la terre de tes œuvres ? Par la loi de la nature es tenu de procréer, en sorte que les tiens puissent vivre quand tu seras mort toi-même. Et ainsi, en dépit de la mort, tu survivras dans la vivante image que tu laisseras de toi. »