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VÉNUS ET ADONIS.

XIX

» Ainsi j’ai dominé ce dominateur, et l’ai conduit captif dans une chaîne de rose. L’acier le plus fortement trempé obéissait à sa force supérieure, et pourtant il était l’esclave de mon froid dédain ! Oh ! ne sois pas vain et ne fais pas parade de ta puissance pour maîtriser celle qui a vaincu le dieu de la guerre !

XX

» Touche seulement mes lèvres de tes belles lèvres ; qu’importe que les miennes soient moins belles, elles sont vermeilles aussi ; le baiser sera tien tout autant que mien… Que considères-tu à terre ? redresse la tête ; regarde dans mes prunelles ; c’est là qu’est ta beauté… Nous voici, les yeux dans les yeux : pourquoi pas lèvres contre lèvres ?

XXI

» As-tu honte d’un baiser ? Alors ferme encore les yeux, et moi, aussi, je les fermerai, et le jour deviendra la nuit. L’amour institue ses fêtes là où l’on n’est que deux ; abandonne-toi hardiment, nos ébats n’ont pas de témoin ; les violettes aux veines bleues, sur lesquelles nous reposons, ne peuvent pas jaser ni savoir ce que nous voulons.

XXII

» Le tendre printemps, qui est sur ta lèvre tentante, prouve que tu n’es guère mûr ; pourtant tu peux bien déjà être savouré. Mets à profit le temps, ne laisse pas échapper