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VÉNUS ET ADONIS.

elle se repaît, comme d’une proie, de cette vapeur, qui est pour elle une moiteur céleste, une atmosphère ineffable, et voudrait que ses joues fussent des jardins pleins de fleurs, à jamais arrosés par ces bruines embaumées.

XII

Voyez comme un oiseau reste empêtré dans un filet ; ainsi reste Adonis enchaîné dans ses bras. La pure honte et la résistance dominée le mettent en rage, ce qui ajoute un surcroît de beauté à ses yeux furieux ; la pluie, tombant dans un ruisseau déjà plein, le forcera forcément à déborder.

XIII

Toujours elle supplie, et supplie délicatement, car elle sait moduler son langage pour une oreille délicate. Toujours il est morose, toujours il rechigne et boude, passant de la confusion cramoisie à la colère blême et cendrée ; elle le préfère quand il rougit ; quand il pâlit, elle oublie cette préférence dans un surcroît de ravissement.

XIV

Qu’il prenne l’aire qu’il voudra, elle ne peut que l’aimer ; et par sa belle main immortelle elle jure de ne pas l’éloigner de son tendre sein qu’il n’ait capitulé avec les larmes acharnées qui n’ont cessé de pleuvoir et d’inonder ses joues : un seul doux baiser paiera cette rançon immense.

XV

À cette promesse il soulève son menton ; tel qu’un oiseau plongeur, apparaissant au-dessus de la vague, se