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VÉNUS ET ADONIS.


IV

» Et pourtant je n’affadirai pas tes lèvres par une écœurante satiété ; loin de là, je les affamerai en pleine abondance, les faisant rougir et pâlir par une inépuisable variété. Dix baisers seront aussi courts qu’un seul, un seul aussi long que vingt ! Un jour d’été ne semblera qu’une heure, passé dans des ébats qui tromperont si bien les moments. »

V

Sur ce, elle saisit sa main humide d’une sueur qui atteste la fougue et la vie, et, dans le frémissement de sa passion, cette sueur lui semble un baume, un cordial terrestre souverain pour soulager une déesse. Frénétique qu’elle est, le désir lui donne la force et le courage d’enlever Adonis de son cheval.

VI

Sur un de ses bras est la bride du vigoureux coursier, dans l’autre est le tendre enfant, qui rougit et fait une moue tristement dédaigneuse, insensible aux appétits, incapable d’une caprice ; elle, rouge et embrasée comme un charbon ardent ; lui, rouge de honte, mais glacé dans le désir.

VII

La bride chamarrée, elle l’attache lestement à un rameau noueux. Oh ! que l’amour est rapide ! Le cheval est à peine installé que déjà elle tâche d’attacher le cavalier ; elle le pousse en arrière, comme elle voudrait être