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SONNETS.

flétri et altéré par le hâle des années, j’y lis le démenti donné à mon amour-propre, et l’inique méprise de ma vanité.

C’est toi, autre moi-même, que je louais au lieu de moi, fardant mes années de la beauté de tes jours.

CXLV

Quand je serai mort, cessez de me pleurer aussitôt que le glas sinistre aura averti le monde que je me suis enfui de ce vil monde pour demeurer avec les vers les plus vils.

Non, si vous lisez ces lignes, ne vous souvenez pas de la main qui les a écrites, car je vous aime tant que je voudrais être oublié dans votre douce pensée, si cela doit vous attrister de penser alors à moi.

Oh ! je le répète, si vous jetez l’œil sur ces vers, quand peut-être je serai confondu avec l’argile, n’allez pas même redire mon pauvre nom : mais que votre amour pour moi finisse avec ma vie même ;

De peur que le monde sage, en regardant vos larmes, ne vous raille à mon sujet, quand je ne serai plus là.

CXLVI

Oh ! de peur que le monde ne vous somme de raconter quel mérite vivait en moi pour que vous m’aimiez ainsi après ma mort, — cher amour, oubliez-moi tout à fait ; car vous ne pourriez montrer en moi rien qui vaille,

À moins que vous n’inventiez quelque vertueux men-